Le Déclic

Le bateau coule. Réveil en sursaut et première pensée du jour ….
Ce n’est pas très positif mais tellement vrai. J’assiste plus ou moins impuissant au naufrage du système : écroulement des marchés financiers, crise planétaire avec son lot d’ignominies (quand on ne peut plus plus spéculer sur les titres pourquoi ne pas le faire sur les matières premières agricoles...), perte de repère et de sens, essoufflement de la toute puissante société de consommation… Le bateau coule et la montée du chômage me touche directement. Je ne suis maintenant plus confronté à une statistique abstraite entendue à la radio dans le flot ininterrompu des mauvaises nouvelles du jour, mais à la réalité concrète de situations vécues par les personnes que j’aime : des collègues, des amis, ma famille, ma femme …
Le bateau coule et l’existence même de la planète semble menacée. Je suis comme beaucoup écartelé entre cette prise de conscience écologique et mon mode de vie occidental. Trop de cadeaux à Noël, trop de fausses frustrations liées à des besoins superficiels, artificiels, trop de questions, trop de trop. Je feuillette le livre Home de Yann Arthus Bertrand offert pour la fête des pères.
Le bateau coule, les femmes et les enfants d’abord, c’est décidé, nous partons. Pendant neuf mois la planète Terre va être notre maison. Home sweet Home !
Ma décision est rapide et irrévocable. Il y a toujours une part de fuite dans ce type de décision. Fuir pour revenir plus fort, fuir pour se recentrer sur l’essentiel, fuir pour ne pas nuire.
Je me sens léger après cette décision. Finalement ce n’est pas si difficile que cela de faire le « grand pas ». Est-ce d’ailleurs un grand pas ? Vient maintenant le temps de la communication de la nouvelle à ses proches, au travail, à des parfaits inconnus au détour d’une conversion. Ces mêmes mots inlassablement répétés forment une véritable profession de foi. Le projet est sympathique et fait l’unanimité chez nos amis, déclenchant questions et envie sincère de partager avec nous ce beau projet familial. Dans quelques très rares cas l’incompréhension est visible à peine masquée sous un enthousiasme feint et policé.
La réaction la plus courante que nous rencontrons est : « c’est courageux ». Etonnant, la fuite est devenue une forme de courage dans nos sociétés occidentales. Moi je trouve que c’est courageux de rester et d’affronter dans la durée tous les petits tracas quotidiens de la vie en France. Les gros tracas de la dure vie des populations qui nous entourent vont très vite nous les faire relativiser voire apprécier à notre retour.
Depuis la décision prise j’ai perdu toute amertume et je suis plein d’envie et d’impatience face à ces neuf mois de pause. Bien sûr je sais que je ne vais rien régler mais j’ai un sentiment de liberté qui suffit à me remplir d’énergie positive. J’ai envie de ce détachement de ma terre natale, du mode de vie à l’occidental (pas de soldes au programme quel bonheur), des problématiques business, pour me recentrer sur ce qui est essentiel à mon bonheur.
Les trois seules choses essentielles à une vie heureuse je les tiens d’un ami de mes parents qui a connu l’enfer des camps et qui m’a légué le plus beau des testaments. Ces 25 dernières années je me suis attaché à faire vivre du mieux possible ces principes de vie selon les situations rencontrées. Jamais je ne les ai pris en défaut eux. Les principes sont bons mais il est souvent difficile de les faire vivre dans le contrat que nous avons avec la vie moderne. Les 9 mois qui viennent vont être un test ultime de leur solidité et une superbe opportunité pour pousser l’ensemble de ces trois curseurs à fond.
Nous partons donc heureux et certains de l’être encore plus à l’autre bout du monde et encore plus à notre retour. Notre seul regret est de ne pouvoir emmener tous ceux que nous aimons dans nos maigres bagages.
Asta Luego le bonheur n’est pas dans le voyage mais dans le retour !!!